Dans les témoignages de reconversion, je reçois cette semaine Sophie pour sa reconversion vers l’accompagnement d’enfants et d’adultes autistes pour un métier peu connu que j’ai trouvé vraiment passionnant !
Il s’agit d’ailleurs d’un métier qui n’a pas de « nom » bien défini encore. Sophie intervient auprès d’enfants et d’adultes ayant des troubles du développement et du comportement, notamment l’autisme donc, pour les aider à mieux communiquer et mieux apprendre.
Vaste programme non ?
Je laisse la parole à Sophie pour en savoir plus sur sa reconversion
Reconversion vers l’accompagnement des troubles
du développement et du comportement, notamment l’autisme
Alors pour commencer par le commencement, vous avez travaillé au départ comme juriste.
Etait-ce un choix ? Un hasard ?
J’ai effectivement fait des études de droit. Je ne suis pas sûre que c’était vraiment un choix, mais quand on est jeune, on ne connaît pas forcément tout !
Puis j’ai travaillé dans le contentieux, le recouvrement et chez un bailleur social.
Qu’est ce qui vous a amenée à avoir envie de vous reconvertir dans le secteur disons, pour faire simple pour le moment, de l’autisme alors que vous étiez juriste ?
Il y a la conjugaison entre une envie de changement professionnel et une situation personnelle.
Je sentais que le métier de juriste ne me convenait plus, en particulier chez un bailleur social avec des situations humainement compliquées … Ce n’était plus ce que j’avais envie d’apporter, de faire.
Et je sentais notamment ce décalage parce que personnellement j’étais devenue maman, et d’enfants qu’on appelle « à besoin particulier ».
Cette situation personnelle nous avait amenés par ailleurs à beaucoup consulter, à faire beaucoup de démarches qui ne donnaient pas forcément les réponses qu’on souhaitait. Cela me donnait envie de faire autre chose, mais rendait aussi compliquée un changement professionnel trop important.
Et puis dans un livre (« Le royaume de Tristan » d’Anne-Sophie Ferry) qui parlait d’autisme, la jeune femme racontait son parcours et ses études en analyse du comportement et ça m’a semblé très intéressant.
Et c’est cette conjonction d’une situation professionnelle, personnelle et d’un « heureux hasard » qui vous a amenée à reprendre vos études pour faire avancer les choses dans le domaine de l’autisme ?
Exactement, je cherchais à me former à d’autres choses pour l’avenir. Cette formation en analyse du comportement m’a semblé vraiment intéressante déjà à titre personnel.
J’ai commencé à faire des recherches au mois de juillet, les dossiers de candidature étaient à envoyer au 31 août !
J’ai fait ma lettre de motivation, rempli le dossier et GO !
La formation DU ANALYSE DU COMPORTEMENT APPLIQUÉE AUX TROUBLES DU DÉVELOPPEMENT ET DU COMPORTEMENT
En quoi consiste cette formation en analyse du comportement qui est assez peu connue finalement ?
C’est une formation en deux ans à l’Université de Lille.
C’est un diplôme universitaire (DU) qui vise à obtenir une formation solide en analyse du comportement appliquée aux troubles du développement et du comportement ABA* (Applied Behaviour Analysis). Elle s’inscrit dans les recommandations de la Haute Autorité de Santé et est entrée dans les orientations du 3ème plan autisme.
L’objectif principal est de permettre aux professionnels ayant en charge des enfants, adolescents ou adultes présentant des troubles du développement et du comportement, d’élaborer des interventions comportementales adaptées.
Cette formation permet d’explorer les différents troubles comme l’autisme, l’hyperactivité, les troubles phobiques, les troubles du sommeil, les troubles de l’alimentation, etc.
Je ne connais pas la méthode ABA pouvez-vous m’en dire plus ?
Il s’agit d’une science plus que d’une méthode.
Il s’agit de la science de l’étude du comportement des êtres vivants. En simplifiant on peut dire que nos comportements sont le fruit de notre environnement. Si un comportement est renforcé par l’environnement, nous aurons tendance à le reproduire dans l’avenir, c’est aussi de cette manière que l’on apprend les comportements.
Le but est de diminuer les comportements problèmes (par exemple taper) pour les remplacer par des comportements adaptés (apprendre à communiquer ses besoins).
Cette science s’applique aux apprentissages en général et aux apprentissages scolaires en particulier. On doit aménager l’environnement, la manière de présenter l’apprentissage et la manière de le renforcer (félicitations en cas de réussite, aucun commentaire négatif en cas d’échec).
Les efforts de l’enfant sont motivés grâce à un travail important sur la motivation et la recherche de nouveaux centres d’intérêt. Ce traitement permet de développer tout apprentissage : habileté sociale, propreté, autonomie, jeux autonomes, demandes, communication…
Pour donner un exemple concret sur une situation « classique » qui peut arriver avec l’autisme, on va s’intéresser au pourquoi et par exemple « quelle est la fonction de taper ».
En effet, si je tape parce que j’étais en train de faire mon travail scolaire et que ça me permet d’être puni et de m’en aller de la classe (et que c’était finalement la volonté), le fait de punir n’est pas la bonne solution. Il va falloir chercher à comprendre pourquoi je tape et trouver des solutions alternatives.
Et qui suit ce DU ?
Il y a des professeurs, des orthophonistes, souvent des professionnels de santé.
Ou des personnes touchées personnellement.
Et concrètement comment se passent les études ?
Il y a des cours un lundi par mois en présentiel, et ce, sur 2 ans.
Il y a également beaucoup de travail personnel à côté. Il est à noter que les cours écrits sont en anglais, ainsi que les QCM auxquels les étudiants doivent répondre pour l’obtention du diplôme et toute la littérature scientifique nécessaire à la rédaction du mémoire.
Je dirais qu’il faut y consacrer une dizaine d’heures de travail par semaine.
Il y a un contrôle continu, un contrôle final et un mémoire à la fin des deux ans.
Ce cursus permet de se présenter ensuite à une des certifications de comportementaliste : RBT (Registered Behavior Technician), BCBA, BCaBA
Le métier de spécialiste du comportement
– intervenant psycho-pédagogique
Comment avez-vous ensuite transformé cette formation en emploi dans l’accompagnement d’enfants et d’adultes autistes ?
Je me suis formée avec une association dans laquelle j’étais trésorière et où j’ai exercé bénévolement.
J’ai commencé ce bénévolat pendant le DU puis je suis passée professionnelle en continuant à travailler en tant que juriste à temps partiel. J’ai diminué petit à petit mes horaires, puis j’ai demandé une rupture conventionnelle.
J’avais besoin d’être sécurisée et de faire les choses petit à petit.
Et aujourd’hui vous travaillez seule ou dans des structures ?
Je travaille toute seule, mais je travaille en lien avec le Centre ressources autisme donc je fais partie d’une plateforme de libéraux que le centre met en relation avec les familles (pôles de compétences et de prestations externalisées PCPE)
Je rencontre aussi des familles par le biais de l’association dans laquelle je suis trésorière (ARATAID ).
Et puis il y a maintenant le bouche-à-oreille.
Est-ce que ce travail « solitaire » vous plait ? ou est-ce que le café avec les collègues vous manque ?!
Je suis beaucoup à l’extérieur, je travaille au domicile des gens donc je suis beaucoup en lien, mais c’est vrai qu’au début, ça a été un peu dur parce qu’en tant que juriste j’étais tout le temps avec des collègues, au téléphone, par mail…
Donc j’essaye de développer des réseaux.
Par exemple, je fais partie des mampreneurs pour pouvoir rencontrer d’autres personnes, échanger sur des problématiques qui ne sont pas forcément liées à mon travail, mais par exemple au développement de mon entreprise.
C’est très agréable et intéressant : on discute, on découvre d’autres métiers, on crée du lien et aussi du réseau professionnel.
Quels conseils pourriez-vous donner avec un peu de recul sur la « création d’entreprise » dans le cadre d’une reconversion ?
Il ne faut pas être pressé ! Au début on n’a pas grand monde, mais ça se fait doucement.
Il faut vraiment y aller par étape. On ne peut pas espérer en vivre dès le 1er mois.
Alors pourriez-vous nous expliquer en quoi consiste votre métier de comportementaliste ? Mais je crois d’ailleurs que vous le nommez autrement ?
Oui je le nomme « intervenante psychopédagogique et éducative », mais il n’y a pas de nom véritable on parle effectivement souvent de « comportementaliste ».
J’interviens auprès d’enfants et adultes touchés par des troubles neurodéveloppementaux tel que l’autisme.
Ils peuvent être verbaux ou non verbaux. Cela veut dire qu’ils ne s’expriment pas forcément à l’oral. Ils peuvent communiquer, par exemple, avec des pictogrammes ou en langue des signes.
Mon objectif est d’intervenir auprès des familles, des enfants, pour une meilleure communication et pour l’acquisition de compétences scolaires ou préscolaires.
Quand on améliore la communication, on améliore vraiment la vie et notamment les comportements parce que derrière des problèmes de comportements se cachent souvent des choses qui ne peuvent pas être « dites ».
Ce travail-là est donc vraiment clé, au-delà même de la compétence en tant que telle, pour faciliter la vie des familles.
Le but est aussi de développer leurs compétences et de les rendre plus autonomes sur du « savoir » : la lecture, la compréhension des consignes, compter de la monnaie ce qui est très utile dans la vie courante.
Ce sont des choses qui ne sont pas faites dans les instituts qui vont plutôt travailler l’autonomie du quotidien comme s’habiller, cuisiner…
Quelles sont les qualités principales selon vous pour exercer votre métier ?
- La patience quand il y a des troubles du comportement, il ne faut surtout pas s’énerver.
- Et il faut toujours se remettre en question pour essayer de trouver par quel moyen arriver à faire avancer, quitte à revoir ses objectifs. Si ce n’est pas possible, ce n’est pas la peine de s’acharner, il faut prendre d’autres objectifs. Pas forcément plus faibles, mais différents parce que tous les enfants n’ont pas le même niveau.
- La relation avec les parents demande de la diplomatie.
Il faut savoir les écouter, les guider quand ils en ont besoin ou simplement être là juste pour écouter et accepter qu’on n’a pas forcément de solutions.
Qu’est-ce que vous aimez le plus dans votre travail et qu’est ce qui est le plus difficile ?
Ce que j’aime le plus, c’est transmettre et quand je vois que la personne évolue.
Ce qui peut être le plus frustrant, c’est quand il y a beaucoup de troubles du comportement et qu’on a un peu l’impression d’être dans une impasse. Mais dans ce cas, on est obligé de réfléchir pour essayer de trouver un moyen de contourner. C’est aussi ce qui fait l’intérêt du travail, même si parfois, c’est fatigant !
Ce qui est difficile aussi quand il y a beaucoup de troubles du comportement, c’est de voir la famille qui souffre.
Enfin ce qui est dur aussi, c’est de voir à quel point certaines situations restent des parcours du combattant pour les familles même si les choses vont en s’améliorant …
Comment envisagez-vous l’avenir ?
En continuant personnellement à me former, le DU m’a permis de me lancer, mais depuis je ne cesse de me former pour pouvoir accompagner toujours mieux.
Par exemple :
- Je suis formée au MAKATON qui utilise plusieurs voies de communication : le langage parlé soutenu par des signes issus de la Langue des Signes et des pictogrammes. Il permet aux personnes souffrant de troubles du langage, d’avoir accès à une certaine autonomie et pour celles souffrant de troubles du comportement de faire diminuer ces troubles en permettant de s’exprimer.
- Je me suis également formée au PECS, il s’agit d’un Système de Communication par Échange d’Images, tout comme le MAKATON il s’agit d’un système de communication alternatif et augmentatif.
- J’ai suivi les formations d’EPSILON à l’école qui permet d’allier l’analyse du comportement avec l’utilisation de matériel issu notamment de la pédagogie MONTESSORI
- Dans le cadre de la mise place de guidance parentale sur les thèmes de la communication et les troubles sensoriels, je suis également des formations avec le centre ressources autisme avec lequel je travaille.
Il faut continuer à se former tout le temps.
Et si c’était à refaire ?
Oui bien sûr, là, je me sens plus à ma place.
Et ce que j’essaie d’apporter aussi, c’est un autre regard sur le handicap.
Il faut aussi voir que des jeunes ou des enfants handicapés peuvent être épanouis. Même si s’est épanoui d’une autre manière, ils ne vont pas avoir les mêmes compétences que d’autres, mais ça ne veut pas dire qu’ils n’ont aucune.
Alors : envie d’oser le CHANGEMENT ?!
Je remercie Sophie pour ce témoignage.
J’ai personnellement découvert un métier peu connu et que je trouve passionnant en plus d’être essentiel.
Parmi les messages transmis par Sophie sur son métier, je retiens :
- la passion et l’envie de faire progresser les personnes qu’elle accompagne et la qualité de vie des familles
- mais aussi l’envie de faire changer notre regard sur la question, sans misérabilisme et notre discussion sur le sujet m’a aussi profondément marquée.
Et sur des questions d’entreprenariat :
- on peut se lancer petit à petit en quittant son emploi doucement
- le réseau, le réseau, le réseau !
- Rome ne s’est pas faite en un jour 🙂 donc patience !
et en filigrane de son message dans son cœur de métier comme dans son parcours entreprenariat : la théorie des petits pas !
Quand on décide une reconversion, la montagne peut paraître vraiment importante, mais petit pas par petit pas les choses se font :
- Sophie a commencé par UNE formation,
- du bénévolat
- puis une journée par semaine puis plus
- et ensuite une formation de plus et ainsi de suite.
Elle n’a SURTOUT PAS attendu d’avoir TOUTES les formations, d’avoir 3 ans de pratiques bénévoles pour se lancer.
Merci encore Sophie pour ce partage, vous pouvez la retrouver :
https://www.facebook.com/sberckerleglay
et lui écrire : sophie_leglay@hotmail.com.
Les témoignages de reconversion sont là pour vous inspirer, vous donner l’élan !
Le portrait de Sophie vous a donné envie de changement ?
- Pour faire le tri dans vos idées si vous vous sentez encore un peu perdu :
- et si les hésitations sont fortes, ou si vous n’arrivez pas à avancer, un accompagnement peut vous aider à dépasser les peurs, les questionnements… pour aller chercher ce projet qui vous fait tellement envie que vous déplacez des montagnes ! Le PROGRAMME TROUVER SA VOIE est alors là pour vous !
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