Aujourd’hui dans les témoignages de reconversion, celui de Sacha pour une reconversion qui fait souvent rêver : tout quitter pour un métier manuel !
Quelle réalité se cache réellement derrière ces reconversions « passions » ?
J’ai demandé à Sacha de nous raconter son parcours, les joies et les difficultés après sa reconversion comme ébéniste d’art.
De la politique à ébéniste : le chemin d’une reconversion
Bonjour pour commencer est-ce que vous pouvez nous raconter votre parcours ?
Je n’ai jamais trop su ce que je voulais faire mais j’étais bon étudiant donc on m’a poussé à faire des études. J’ai donc fait une prépa hypokhâgne puis des études de sciences politiques et administration générale. J’avais aussi des responsabilités politiques et j’ai été assistant parlementaire pendant 2 ans.
Et vous avez pensé faire une « carrière » politique ?
J’aimais bien travailler au parlement même si je n’étais pas sûr de ce que je voulais faire.
J’ai préparé l’ENA et là j’ai trouvé que les gens s’intéressaient surtout à leur salaire. J’ai pensé aussi que travailler dans un bureau toute la journée ça allait être dur.
J’ai tout de même passé les concours de la fonction publique et quand j’ai eu celui de la Banque de France je me suis dit que ça allait être compliqué d’aller y travailler ! Mais je ne me voyais pas l’annoncer à mes parents.
Alors comment passer de la Banque de France à ébéniste alors !?
Je suis parti faire un tour du monde d’un an en sac à dos.
Et là, loin de l’inertie du quotidien, en voyageant j’ai pu me découvrir un peu plus.
Je ne m’étais jamais vu créatif par exemple alors que j’ai toujours beaucoup aimé dessiner. Mais je ne l’assumais pas vraiment.
Dans les pays que j’ai traversés, essentiellement des pays en développement, j’ai vu des gens travailler avec leurs mains et ça m’a plu.
Et puis j’ai voyagé pendant 2 mois avec un couple de psy et artiste qui m’ont beaucoup permis d’évoluer.
Et le projet d’ébéniste est donc né petit à petit pendant ce voyage ?
Oui le projet s’est fait petit à petit dans ma tête. Quand je suis revenu je me suis dit que j’allais travailler de mes mains.
Et le bois était une évidence : il y en a partout, sur les bateaux, j’aime les forêts aussi…
Les étapes d’une reconversion comme ébéniste
Alors concrètement de l’idée à la mise en place d’une reconversion comme ébéniste comment se sont passées les choses ?
Je pensais que j’étais trop vieux pour me reconvertir et je venais de dépenser tout mon argent dans le tour du monde.
Mais je me suis rendu compte qu’en Lorraine, il y avait des formations gratuites et même indemnisées par la région.
Alors quelles formations avez-vous suivies ?
J’ai fait d’abord des stages parce qu’il était trop tard pour intégrer la formation. J’ai ensuite passé un 1er CAP en ébénisterie et durant cette année, j’ai découvert la fabrication de siège, fauteuil et ça m’a beaucoup plu.
J’ai donc ensuite passé un 2ème CAP en menuiserie en sièges avec un Meilleur Ouvrier de France.
Et enfin, j’ai eu beaucoup de chance parce j’ai pu faire une formation sur la conception et la création d’entreprise proposée encore par la région dans une promotion ouverte à tous les métiers d’art.
Concrètement donc ces années étaient financées comment ?
Alors le financement est fait par la région Grand Est qui est la région pilote sur les métiers d’art et donc
- la Formation est payée
- on peut ensuite toucher le chômage
- ou un minimum de 650€
Le métier d’ébéniste d’art
Une fois ces formations finies, comment s’est passé le début dans votre vie professionnelle ?
Après ces années de formation je me suis lancé à mon compte, j’ai rencontré un couple de jeunes ébénistes qui m’a accueilli dans leur atelier. C’était vraiment bien, notamment parce que le matériel à acquérir est cher.
Je suis resté avec eux pendant 2 ans puis, depuis janvier 2020, je me suis lancé seul à mon nom. Et depuis mars avec le COVID les salons ont été annulés et les choses sont plus compliquées.
Qu’est-ce que vous aimez le plus dans votre métier d’ébéniste d’art ?
- La création faire tout de A à Z, de l’idée à la vente
- Quand je sors un nouveau projet
- La plus grande fierté que j’ai c’est d’avoir fait une chaise, je n’ai jamais utilisé autant mon cerveau que pour une chaise pourtant j’ai préparé l’ENA !
- Le « faire physique » où on ne réfléchit pas
- J’aime bien quand je vends un projet, je me dis que mon travail parle aux gens.
- Le secteur des artisans aussi qui est très accueillant
J’aime découvrir les techniques des autres. J’ai besoin de m’entourer, d’avoir des retours, de voir si le message que je veux faire passer passe.
Ce qui est plus difficile !
- L’administratif
- Ce qui est parfois dur aussi c’est d’être en décalage avec les proches même si on sait pourquoi on fait les choses :
- je ne prends pas 5 semaines de congé payés,
- je ne pars pas en voyage autour du monde,
- quand mes copains parlent de leurs achats immobiliers je me sens en décalage…
Mais quand je parle de mon travail les gens me regardent avec les yeux qui brillent.
Il faut être réaliste là-dessus : chez les artisans d’art, 70% gagnent moins de 700 € par mois c’est compliqué si on a des enfants, il faut se battre pour réussir à vivre surtout au début.
Ce sont des métiers qui véhiculent beaucoup de rêve mais il faut faire attention.
Justement, c’est aussi le but de ces témoignages d’avoir le plus de réalité possible, aujourd’hui financièrement vous en êtes où ?
Je suis dans une coopérative et tout ce que je gagne je le réinvestis en machines, salons pour toucher une clientèle haut de gamme… et la coopérative m’apporte du soutien.
Je vis donc concrètement en étant hébergé et au RSA donc en faisant très attention à mes dépenses, mais comme je travaille beaucoup et que je n’ai pas d’enfants ça va.
Quand je pensais à la Banque de France, je me disais que ça allait être compliqué si je mettais « le doigt dans l’engrenage » des gros salaires, que j’aurais plus de mal à revenir en arrière. Je le vois aujourd’hui avec certains copains qui se sentent un peu « emprisonnés ».
Quand j’ai commencé à parler de reconversion à mes proches ils ont eu peur. On m’a dit de faire ça sur mon temps libre mais je passe 70% de mon temps au boulot et j’ai besoin d’aimer ce que je fais et pas juste une vie de loisirs mais c’est très engageant.
Quelles qualités / compétences faut-il pour réussir dans ce métier d’ébéniste à votre avis ?
- Etre créatif, patient minutieux
- Avoir de l’agilité, on apprend un métier technique
- Aimer découvrir de nouvelles choses
- Mais attention à ne pas oublier d’être chef d’entreprise parce qu’on peut être le meilleur technicien sans se faire connaître on n’en fera pas son métier. Et c’est là un vrai souci dans les reconversions aux métiers d’art.
Alors là je ne peux que rejoindre cet avis, j’insiste énormément dans les accompagnements sur cette partie pour la bonne réussite des reconversions entrepreneuriales : avoir compris les clés de réussite ET être prêt à jouer le jeu. Comment voyez-vous les choses pour vos métiers d’artisanat d’art ?
J’avais peur de repartir de zéro dans cette reconversion mais on n’est pas artisan d’art comme avant : il faut savoir faire de la com, du marketing, des business plans.
C’est la clé si on veut vendre.
Au départ ça m’était compliqué de vendre des pièces chères à des gens aisés. Mais à un moment si on ne vend pas, on ne peut pas vivre de ce qu’on aime faire.
Et du coup mes compétences d’avant sont très utiles : je sais parler, je sais raconter mes histoires, faire passer le rêve qui est derrière mon métier.
Dans les cours de dernière année il y avait un frein sur le marketing pour beaucoup des artisans qui étaient là (et moi aussi au début). Mais le marketing de nos métiers c’est mettre en mot ce qu’on fait et aujourd’hui c’est primordial.
Personne n’a besoin de nos objets alors les personnes qui ne veulent pas faire ça, ça ne marchera pas.
Alors je me booste pour faire cette partie de marketing / vente qui finalement ne représente qu’une petite part de mon activité.
Et ma classique question finale, si c’était à refaire ?
Je le referai et à peu près de la même manière je suis content.
Je n’ai pas de doute au moment où j’en parle.
Pendant le 1er confinement il y a eu beaucoup de questions sur le sens au travail, et c’est drôle parce qu’un artisan d’art ce n’est pas essentiel et pourtant beaucoup de personnes m’ont contacté pour des reconversions !
Ça m’aide de voir des gens qui me contactent parce que j’en étais là, je vois que les interrogations que j’ai ne sont pas absurdes. Les anciennes générations ont du mal à comprendre ces changements mais on est dans une génération qui veut s’épanouir au travail.
Et puis, je me dis que j’ai des diplômes et je peux rebondir au cas où.
Se reconvertir comme artisan d’art ou pas ?
Je remercie vraiment Sacha pour cet échange très riche et sans faux-semblant qui permet de prendre du recul sur une reconversion comme ébéniste et peut-être de manière plus large sur l’artisanat d’art :
- pour l’anecdote on voit que Sacha a pu faire le point lors d’un voyage, ça lui a permis ensuite de trouver sa voie. Pas de stress si vous rentrez de voyage avec toutes vos questions encore en suspens ça arrive aussi ! Mais les voyages, les expats permettent tout de même de mieux se connaître, d’avoir un autre regard et d’autres envies et donnent souvent des envies de reconversion je vous en parle dans cet article sur le retour en France et la reconversion
- ensuite Sacha a pu entamer sa reconversion grâce à des aides de formation et ces aides varient en fonction des régions, des années, de la formation, de votre âge, de votre niveau d’études… bref pas très simple. Mais il est important de ne pas se restreindre uniquement à cause de la reprise d’études donc. Je vous propose dans cet article sur la reconversion et les doutes financiers de nombreuses solutions pour avancer concrètement sur ce sujet.
- la suite est une question de critères et là il n’est pas de bonnes ou de mauvaises réponses :
Sacha vous a partagé les compétences, les choses chouettes, ce qu’il aime… et le moins bien ! Et cet équilibre lui convient à lui ! La question est de savoir si cette balance avantage / inconvénient peut vous convenir à vous !
Tous les jobs ont du plus et du moins, tout l’enjeu d’une reconversion est de trouver celui dont les plus et les moins nous conviennent.
Pour reprendre une analogie que j’utilise souvent : la personne avec laquelle vous vivez à des défauts que vous supportez (voire que vous trouvez mignons !) alors que vous détestez les défauts de certains conjoint(e)s de vos amis…
Il ne s’agit pas de trouver un projet zéro défaut mais un projet dont les avantages ET les inconvénients vous conviennent !
Il est donc clé de :
- connaître vos critères
- connaître les projets et travailler les choses concrètement notamment sur les aspects financiers et marketing : avez-vous bien compris les clés de succès du marché, les contraintes ? êtes-vous prêt à jouer le jeu ? cela vous convient-il à VOUS ?
- et de voir si ça match !
Certains arrivent très bien à faire cela seul, d’autres ont besoin d’être guidé et c’est ce que nous faisons dans l’accompagnement TROUVER SA VOIE.
N’hésitez pas à prendre un RDV Découverte pour parler de votre projet si vous pensez qu’un accompagnement pourrait vous aider.
Tout savoir sur SACHA
Après des études en droit et sciences politiques et administration générale, un passage au Sénat en tant qu’assistant parlementaire et un tour du monde en solitaire, j’ai décidé de changer radicalement de cap. La base de ma reconversion : maîtriser un métier qui fasse appel à l’ensemble des capacités de l’être humain, c’est-à-dire une activité qui lui permette d’utiliser à la fois sa tête et ses mains
Installé désormais entre Metz, Nancy, et Strasbourg, mon atelier d’ébénisterie et de menuiserie en sièges propose du mobilier contemporain. J’aime allier les matériaux entre eux : bois, résine, verre, laiton, cuir… Ma démarche créative, symbolisée par une recherche sur des assemblages ancestraux du Japon et d’Europe réalisés en résine transparente, allie respect à la tradition du métier et quête de la sublimation contemporaine à l’instar de ma chaise Hironde.
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